niksen, wu wei, l’art de ne rien faire en bonne conscience.

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By: Blandine Gerber Fleury
Edited date: December 5, 2023Estimated reading time: 9 minutes

ne rien faire – une mission possible mais politiquement incorrect

Comment oser promouvoir l’Art de ne rien faire, alors que nous avons placé le travail et l’action au cœur de nos priorités et préoccupations ? Comment s’accorder une pause, alors que nous éstimons notre valeur principalement en fonction du rôle que nous jouons dans la société, et que l’absence d’activité considérée comme non productive est assimilée à de la paresse ?

Connectés au monde en permanence par le téléphone mobile et l’ordinateur, nous sommes assaillis par un flux d’informations constant qui stimule notre cerveau et accapare notre attention. Comment pouvons-nous dans ce contexte envisager de partiquer cet Art de ne rien faire ? Sans compter que l’idée même de se débrancher nous fait craindre l’inaction et le face-à-face avec soi-même, et fait remonter notre peur souvent inconsciente du vide et de la solitude.

Et pourtant. L’antiquité classique qui prônait l’oisiveté, l’otium, a vu naître les pensées florissantes et intemporelles des grands philosophes. L’éloignement du quotidien et des affaires, la mise en “retraite” et le temps libre, ont profité à Socrate, Platon, Aristote (pour ne citer qu’eux) et au monde.

Pourtant encore, nous attendons impatiemment les vacances pour s’adonner sans culpabilité à ce rien faire car, par notre effort au travail, nous l’avons mérité ; on respirera alors l’air de la mer dont on avait oublié pendant quelques mois le goût de l’iode ; on s’étonnera de voir passer un papillon en se souvenant avec nostalgie des coccinelles qui se posaient l’été sur notre bras ; puis on reviendra à notre quotidien affairé, paré de notre bonne mine et de notre santé retrouvée.

Et pour les presque 500 000 personnes atteintes en France par le syndrome d’épuisement professionnel, le burn out, les médecins prescriront dans l’année l’arrêt de leur travail, et les encourageront à l’inaction.

Quel sont les bonnes raisons de cultiver l’Art de ne rien faire ?

Certes, nous n’aspirons pas tous à devenir un grand philosophe et nos activités peuvent être sources d’épanouissement, de bien-être et d’accomplissement. Mais il n’est pas moins nécessaire, voire indispensable à notre équilibre et à notre santé, de s’accorder des temps de pauses.

Comme le démontre le neuropsychologue Francis Eustache, le cerveau qui se met en mode par défaut lorsque l’on cesse de faire, fait le tri et met de l’ordre dans les informations que nous stockons quotidiennement.

En nous accordant du repos, nous lui permettons d’assimiler et de synthétiser nos expériences, nos ressentis et nos pensées. Cela nous offre en retour une meilleure compréhension et appréhension de notre environnement, et des événements auxquels nous faisons face.

C’est aussi le constat du Wu Wei, concept taoïste du non faire ; ne pas agir favorise la résolution des problèmes et en particulier des situations conflictuelles. En cessant de lutter, on cesse s’épuiser et de souffrir, et les solutions se présentent d’elle-même.

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Alors, que faire si contre toute attente, ne rien faire état tout sauf… ne rien faire ; que se débrancher et prendre du temps pour soi amélioraient la productivité créative et professionnelle, et favorisaient l’épanouissement personnel ?

Cette perspective, qui remet en cause la croyance collective selon laquelle nous existons au travers de notre statut et du rôle que nous nous sommes attribués, nous invite à considérer positivement la pratique de l’oisiveté.

Une pratique qui nous permet d’accéder à notre vraie nature, à notre Être authentique, notre Soi, pour expérimenter notre potentiel infini !

Soit. Mais, comment faire pour ne rien faire alors, lorsque l’on a si bien appris à exister par le faire ?

6 conseils pour cultiver l’Art de ne rien faire.

Retrouver l’instinct de ne “rien faire”.

Nous avons flirté spontanément avec l’inaction dans notre jeunesse. Rappelons-nous de ce temps où, affalé dans un canapé, nos parents nous disaient : “ne reste donc pas là sans rien faire ! N’as-tu pas des devoirs d’école pour demain ? Non ? Et bien avance-toi pour la semaine prochaine ! ” Lorsque nous étiez encore plus jeunes, nous avons parfois entendu : “Tu ne sais pas quoi faire ? Tu n’as pas assez de jouets dans ta chambre pour t’amuser ? Allez, file avant que je te trouve une occupation !”

Pourtant, béats au-dessus de notre berceau, nos géniteurs ne se lassaient pas d’admirer notre regard fixé sur le mobile, qui tournoyait au-dessus de notre tête. En plein état méditatif, nous connections et ordonnions nos neurones stimulés par nos sens pleinement actifs. Un état mental qui nous faisait faire chaque jour de grands pas en avant.

Mais après avoir reçu une éducation propice à trouver notre place dans la société puis, arrivée à l’âge adulte, nous devons désapprendre à réprimer notre instinct de ne rien faire, pour retrouver nos facultés d’emmagasiner, trier, apprendre et grandir.

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S’éloigner des pensées culpabilisantes.

Les pensées maîtrisent l’art de brouiller les pistes et de nous éloigner de soi lorsqu’on en perd le contrôle. Dans nos premières tentatives d’inaction, elles ne manqueront pas de nous ramener au sentiment de culpabilité : “Je n’ai pas le luxe de ne rien faire, moi. J’ai un travail et des responsabilités familiales. Non vraiment, ne rien faire n’est pas pour moi. C’est pour les fainéants”.

Ah la paresse ! Comment ne pas se sentir coupable de faire une pause ? Pour se débarrasser de telles pensées et du sentiment de culpabilité qui les accompagne, il faut comprendre et intégrer l’idée que le temps de l’inaction est celui d’une implication productive et vertueuse ; que finalement, ne rien faire est sans aucun doute s’accorder à mieux faire ; et que si l’on n’y prend pas garde, on risque en bout de course être obligé de rien faire.

Modifier sa perception du temps.

Lorsque nous sommes contraints ou dépendants de l’extérieur pour agir ou entreprendre, nous trouvons le temps terriblement long. Lorsque nous nous imposons une multitude de choses à faire dans une journée où douze heurs suffisent à peine à en accomplir le tiers, nous trouvons le temps cruellement court. Enfant, il ne nous questionne même pas ; adolescent, l’on voudrait qu’il nous mène plus vite vers l’indépendance ; adulte, il nous presse ; âgés, nous ne l’avons pas vus passer.

Pour les physiciens quantiques, le temps est une question de perspective et non une vérité universelle. Et pourtant, malgré sa relativité voire son inexistence, il est une de nos préoccupations majeures.

Sachez que l’on peut gagner du temps en en perdant. Alors, soyez en paix avec lui, oubliez-le un instant, et portez votre attention sur le seul moment présent qui, passé à ne rien faire hors du compte à rebours, vous mènera loin.

Se déconnecter de nos appareils.

Bien entendu, nos téléviseurs, puis nos ordinateurs et téléphones mobiles sont nos premiers “empêcheurs” de ne rien faire. Surtout nos portables qui sont devenus indispensables, le croyons-nous, à notre quotidien : en plus de nous permettre de communiquer à tout instant, ils apportent des réponses à nos questions, nous servent de GPS (ou carte routière), d’alarme (ou de réveil), d’agenda (ou de secrétaire), d’appareil photo, etc.

L’inaction nécessite la désactivation de ces outils qui stimulent constamment notre cortex cérébral, pour calmer enfin notre mental. C’est indispensable pour parvenir à ne rien faire, et tirer pleinement les bénéfices de la non-action.

Favoriser le rapprochement avec la nature.

La nature nous ramène à l’essence même de la vie. Elle réveille nos sens endormis, parfois anesthésiés, par une activité mentale excessive et continue. Respirer et sentir l’odeur de l’herbe coupée ; frissonner aux caresses de la brise sur sa nuque ; regarder le soleil qui se couche et celui qui se lève ; écouter le chant des oiseaux au petit matin et le vent qui fait chanter les feuilles dans les arbres ; goûter à pleine bouche les embruns marins. Et tout cela sans rien faire !

Il suffit de quelques minutes d’attention à la nature qui nous entoure, pour constater l’apaisement instantané de notre mental par l’activation de nos cinq sens. Des sens dont les rôles fondamentaux de récepteur et transmetteur d’informations facilitent notre adaptabilité à l’environnement.

Apprivoiser la peur du rien.

Lorsque le bruit incessant de nos vies hypers actives s’arrête, les peurs qui nous éloignent des bénéfices de l’inaction nous gagne. Celle du silence qui pourtant a tant de choses à nous dire ; celle du vide qui n’est autre qu’un espace prêt à accueillir le renouveau ; celle de n’être plus personne alors qu’il est question d’Être Soi ; et au-delà de tout cela, celle de la mort que l’on assimile à ce rien, lorsque la foi en ce qui est nous a quitté.

Ne rien faire n’est pas mourir, car pour lutter contre le faire, il faut être conscient et bien vivant !

Ne Rien Faire – Conclusion.

Les Néerlandais ont compris et intégré la nécessité de cultiver l’Art de ne rien faire. Ils appellent cela le “Niksen”. Autrement dit, le savoir être dans l’inaction, ou l’oisiveté consciente et positive. Une non-activité qui nécessite, vous en conviendrez, de la pratique.

Mais la bonne nouvelle, c’est que la farniente des Italiens, le chill des Anglais et la glande des Français sont, avec un peu d’entraînement et par le soutien de la pandémie qui limite nos déplacements, à la portée de tous ! Et en plus d’être bénéfiques pour la santé physique et mentale, ils peuvent s’avérer être hautement productifs ! Sans mon assignation à résidence par le lock down, qui m’a contrainte à l’inaction, mon article sur ce sujet n’aurait peut-être jamais vu le jour.

Je vous souhaite une pratique décomplexée de l’Art de ne rien faire, pour reprendre le contrôle de votre vie, et découvrir vos potentiels insoupçonnés et votre pouvoir créatif illimité !

Blandine Gerber Fleury aime écrire, partager et inspirer. Mère de quatre enfants, autrice, prête-plume et bon conseil, elle peut être jointe ici sur FB

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